Armand! Mais qu'est-ce que tu fais là? Tu es sur mon terrain je te rappelle.

Viens ici qu'on mette les choses au clair, sinon j'appelle la police!

Armand est le maire de la Ville. Ceci étant dit, ça ne lui donne pas tous les droits à ce que je sache. Je suis furieuse. Va-t-on enfin me dire ce qui se passe avec cette maison et son terrain? Le voilà qui cesse de creuser, dépose sa pelle et vient à ma rencontre. D'un geste nerveux, il replace sa casquette et évite mon regard. Je lui demande d'entrer pour discuter. Il s'assoit au bout de la table pendant que je m'affaire à préparer du café. Je prends place face à lui et sans prendre de détour je lui demande d'expliquer sa présence chez moi et qui plus est, pourquoi est-il en train de creuser. Pourquoi veut-on labourer mon bout de terre? Un mystère plane et j'ignore tout. J'exige des explications.

Armand se racle la gorge, la tête baissée. Je réitère mes questions et je rajoute qu'il ne quittera pas cette maison avant de m'avoir dit ce qu'il sait. Comme il persiste dans son silence, je lui raconte que si Marie m'a légué ses biens c'est qu'elle avait confiance en moi et qu'elle m'avait fait des confidences dans les dernières années de sa vie. Je sens qu'il se détend et va enfin ouvrir son clapet. Je continue de le regarder avec un air sévère, signe que je ne le laisserai pas partir sans savoir pourquoi il creuse chez moi.

Après un long soupir, il me demande si je sais que Marie a eu un enfant alors qu'elle n'était qu'une jeune adolescente. Après avoir répondu par l'affirmative, il me confie que toute l'histoire part de là. Et s'il le sait, c'est que le père de l'enfant n'est nul autre que son père, Gaston. Il le sait depuis peu. Sa mère étant décédée il y a un peu plus de deux ans, son père s'est alors senti libre de raconter l'histoire à ses fils depuis que ce Julien Boudreau fouine dans les parages. Armand lui apprend que ce dernier est le petit-fils de Marie, le fils de la fille que Marie a eue. Et bien sûr son petit-fils à lui aussi.

Au moment des faits, Gaston avait embauché Marie pour venir aider sa femme à la maison après un accouchement qui avait viré au drame. Le bébé était mort-né et sa femme avait failli y laissé sa vie. Faible et dépressive, elle passait ses journées au lit, à pleurer cet enfant qu'elle avait tant désiré. Gaston, dépassé par les événements et se sentant négligé par son épouse, s'enticha de Marie qui, malgré son jeune âge, s'éprit de lui. Marie se retrouva enceinte et partit à la ville le temps de sa grossesse. On lui retira son enfant après l'accouchement pour le donner en adoption. Quelques années plus tard, Gaston et sa femme eurent deux fils dont lui, Armand. Ils avaient donc une soeur et cette soeur avait pour mère, Marie qui habitait dans le Rang IV, la maison que ses parents lui avaient laissée en héritage. Marie avait fait sa vie à la ville et ne venait qu'une ou deux fois par année dans leur petite bourgade. Depuis que ce Julien Boudreau fouinait dans les parages et questionnait les vieux de la place, Gaston avait eu des doutes. Il demanda à ses fils d'embaucher un détective privé pour en apprendre davantage sur ce Julien, tout en gardant son histoire avec Marie dans le plus grand des secrets. Il désirait mourir sans que sa réputation ne fut ternie. Armand, maire de la place, avait lui aussi tout à gagner à ce que la réputation de la famille soit sans reproche. Les recherches leur avaient appris que la fille de Marie avait grandi dans une bonne famille, qu'elle avait fait des études d'infirmière, qu'elle avait épousé un médecin, du nom de Boudreau, et qu'elle avait eu un fils qu'ils avaient prénommé Julien. Voilà pour l'histoire.

Cela n’explique pas les fouilles sur mon terrain. Continue, je t’écoute.

Le reste de l'histoire est invraisemblable, me dit-il. Comme tu sais mon père est âgé, il a maintenant 92 ans et sa santé ne cesse de décliner. Au printemps dernier, par peur de mourir en emportant son secret, il m’a confié avoir caché, il y a de ça plusieurs décennies, un coffret en acier contenant une somme d’argent importante et de l’avoir enterré ici. Il voulait que Marie n’ait aucun souci d’argent, il lui devait au moins ça. Il s’en est voulu toute sa vie de ne pas avoir pris ses responsabilités par rapport à elle et à l’enfant, SON enfant.. Bien naïvement, il croyait mourir avant elle. Il lui avait écrit une lettre d’excuses en lui dévoilant l’emplacement du coffre. Cette lettre était gardée avec son testament, Mon frère et moi devions remettre la lettre à Marie lors de son décès. Mais, Marie est décédée sans connaître les intentions de notre père.

Par conséquent, Julien Boudreau est notre neveu et le petit-fils de notre père. Il a sans doute fait des recherches pour découvrir ses origines. Il y a quelques jours, mon père a reçu la visite de son petit-fils et lui aurait tout raconté, histoire de se libérer avant de mourir~~sa mort~~. Il lui a même remis la lettre destinée à Marie. Voilà pourquoi Julien Boudreau t’a rendu visite et t’a informée qu’il y aurait des fouilles sur ton terrain. Bien que cette histoire soit plutôt alambiquée, mon père jure qu’elle est vraie.

J’ai juste voulu trouver le coffre avant Julien.

Armand est reparti chez lui avec la promesse de revenir plus tard dans la journée. Nous chercherons ensemble le fameux coffre de Gaston.

Les indications de Gaston se sont avérées assez justes, à 15 hres, la pelle d’Armand frappait le dessus du coffre. Eureka! m’écriai-je. On a pris le temps de bien le nettoyer et de l’essuyer avant de s’asseoir sur la galerie pour l’ouvrir. Armand avait tout prévu, il avait apporté des grosses pinces pour couper le cadenas. Armand a soulevé le couvercle et ~~est apparue~~ sous nos yeux est apparue la fabuleuse somme de …. $500. en billets de $100.

Armand et moi avons éclaté de rire en même temps. Tout ça pour $500.

J’ai toujours su que mon père est un drôle de numéro mais là il s’est surpassé.

Armand est reparti le coffre en-dessous du bras après avoir remis la terre dans les trous creusés, me promettant de tout raconter à Julien, son neveu.

Après avoir ri de tout mon saoul, je suis allée me promener sur la plage mais cette fois-ci je portais mon maillot de bain sous ma robe!