Quatre jours ~~eux semaines~~ plus tôt…

~~Il était~~ 22 h. Gontran se réveillea, encore un peu engourdi par le calmant, mais suffisamment lucide pour se souvenir de la dispute. Une engueulade monstre, comme il en avait entendu d’autres au fil des ans, certes, mais celle-là était différente. Plus violente. Chargée d’une angoisse brute.

Les mots de sa mère résonnaient encore dans sa mémoire :

« Je n’abandonnerai jamais mon fils ! »

Et son père, exaspéré, le souffle court, convaincu que Gontran ne guérirait jamais.

Puis, le claquement sec d’une porte.

Et les sanglots de sa mère.

Gontran savait exactement où le trouver : au Mont-Royal, probablement en train de contempler les étoiles pour se calmer. Le lac aux Castors est~~était~~ son refuge préféré à Montréal.

Il sortit discrètement et prend~~rit~~ l’autobus en direction du parc. Il ne sai~~vai~~t pas encore comment~~e qi~~il lui communiquera ~~allait dirae, mais il saitvait qu’il doitevait parler. Qqu’il veutidevait dire à son père~~ qu’au fond, c’est~~était~~ à son jugement pragmatique qu’il fait~~sait~~ le plus confiance. Plus qu’à celui de sa mère, aussi aimante soit-elle.

Son père est~~était~~ là, assis sur un banc, la tête penchée sur les genoux. Pas en train de contempler le ciel...Il semble troublé, préoccupé. p

— Qu’est-ce que tu fais ici, toi ? demanda-t-il, surpris.

— J’ai entendu votre dispute. Je savais que tu serais là. Je voulais te dire que j’ai confiance en ton jugement. Et que je suis prêt à faire ce qu’il faut pour ne plus être un fardeau pour vous. .

— Tu n’es pas un fardeau, Gontran. Et rien de tout ça n’est de ta faute. Ta mère et moi… on voit simplement les choses différemment.

— Je sais. Maman veut me garder près d’elle. Elle est convaincue d’être la mieux placée pour s’occuper de moi. Et c’est vrai que sa présence m’apaise. Mais… je ne crois pas que ce soit suffisant.

Mon père me regarda longuement. Puis il dit :

— Tu es bien sage, mon grand. Écoute… demain matin, j’appelle le Dr. Marceau. On verra s’il est possible d’amorcer le nouveau traitement dont il nous a parlé. Mais en attendant, j’ai une idée : on part dans les Laurentides. Tu pourras te reposer là-bas, le temps qu’on règle les choses avec ta mère et que le docteur prépare la suite. C’est un endroit spécialisé pour des cas comme le tien. Ils ont des approches plus douces que les calmants et les injections. Je pense que tu t’y sentiras bien.

— D’accord. Je veux bien essayer.

À cette heure-là, même les cônes orange légendaires de Montréal ne ralentissaient pas la circulation. Vingt-cinq minutes plus tard, ils roulaient déjà sur l’autoroute 15, toit entrouvert, l’air vif dans les cheveux.

Deux heures plus tard, ils prenaient la sortie de Ste-Agathe. Puis, la 117, une route étroite, un chemin s’enfonçant dans les bois, puis un autre. Décidément, ce centre semblait conçu pour être difficilement accessible.

Soudain, Gontran devint nerveux. Agité. Incontrôlable.

— Arrêtez la voiture. Je veux sortir. Relâchez-moi !

— Calme-toi, mon chéri. Tout va bien…

— Vous ne m’aurez pas comme ça !

Il ouvrerit la portière et sautea.

M. Lévesque freinea brusquement, sortit et courut vers son fils. Mais pour Gontran, cet homme n’est ~~r’ésttait~~ plus son père. Il est ~~était~~ ~~devenu~~ le Grand Démon Noir. Et il faut~~llait~~ l’anéantir.

S’ensuit ~~’ensutivit~~ une lutte violente. M. Lévesque finit au sol, inconscient, dans le coffre de la voiture.

Pris de panique, Gontran s’enfuit à travers la forêt, terrifié à l’idée que le démon se réveille.

Quand M. Lévesque revient à lui=~~it connaissance~~, il pensea à son fils en crise, seul dans les bois, et à sa femme, probablement morte d’inquiétude. Il a~~vai~~t soif, un peu mal à la tête, quelques contusions, mais rien qui ne va l’empêcher~~ait~~ de se sortir de là ~~’en~~ ~~sortir~~ et de retrouver Gontran. Son plan est clair, rejoindre la serrure en défaisant les phares arrières, retrouver son téléphone laissé dans la voiture avant la psychose de son fils, appeler sa femme pour la rassurer. ~~tDès qu’il sortirait d’ici, il appellerait sa femme.~~ Peut-être que Gontran est ~~était~~ déjà revenu...

Quatre jours ~~ix jours~~ plus tard

Les nombreux appels à la population lancés par la SQ, invitant les citoyens à vérifier leurs enregistrements de caméras de bord, avaient finalement convaincu Louis de s’y mettre.

Depuis quatre ~~dix~~ jours, il repoussait le moment. Une excuse après l’autre. Mais aujourd’hui, il n’y avait plus d’échappatoire : il était en congé, il faisait un temps de chien, froid et venteux, et deux vies étaient peut-être en jeu.

Il se versa un café brûlant et lança le visionnement.

Peu de circulation pendant de longues minutes, même en accéléré. Puis soudain, un RAV4 correspondant à la description. Il mit la vidéo sur pause, recula, agrandit l’image.

La plaque. C’était bien celle-là.

Deux silhouettes à l’avant.

Assez pour appeler le sergent Cloutier, celui chargé de l’enquête. Tous les médias en parlaient.

— Bonjour, sergent Cloutier, s’il vous plaît ?

— C’est lui.

— Louis Dufresne à l’appareil. Je crois avoir trouvé quelque chose sur l’une de mes vidéos concernant la disparition du père et du fils Lévesque. . Ça date d’il y a un peu plus de ~~teux~~ ~~semaines,~~quatre jours s, sur la 15 Nord, près de la sortie Ste-Agathe.

— Vous pouvez m’en dire plus ?

— RAV4 couleur ardoise, deux hommes à bord. J’ai figé l’image, la plaque correspond exactement.

— Vous pouvez me transférer la vidéo ?

— Bien sûr. Je vous l’envoie comment ?

— Je vous envoie mon numéro par texto. Si vous trouvez autre chose, appelez-moi directement. Merci, M. Dufresnee. Ce que vous venez de faire est peut-être capital.

Louis raccrocha. Un frisson le parcourut — et ce n’était pas à cause du vent glacial. Une intuition. Quelque chose clochait dans cette image figée. Il la regarda encore.

Le passager semblait tendu. Ce n’était pas juste un instant saisi. C’était un visage crispé. Figé dans la peur.

Quelques vérifications plus tard, toute l’armada de la SQ était déployée à la sortie de Saint-Agathe.

Des bénévoles, des agents, des drones quadrillaient la région. On avait retrouvé la voiture, du sang dans le coffre laissait présager du pire... Aucune trace. toutefois des deux disparus. ~~Mais le garçon demeurait introuvable.~~

Un garde forestier expérimenté, Maxime Tremblay, se porta volontaire pour explorer une zone plus reculée, connue pour ses grottes naturelles et ses anciennes caches de trappeurs.

Vers 16 h, au détour d’un sentier, il aperçut une silhouette recroquevillée au pied d’un arbre. Immobile. En position fœtale.

— Hey… mon grand… ça va ? Tu es blessé ?

Gontran releva lentement la tête. Son regard était absent, égaré entre deux mondes. Des branches dans les cheveux. Des égratignures sur les bras. Et cette voix tremblante, comme venue de très loin :

— Il est revenu… le Grand Démon ~~DédDémdD~~ Nnoir… je l’ai laissé derrière… mais il reviendra.

Maxime ne bougea pas. Il s’agenouilla doucement, à bonne distance.

— T’as fait ce que tu pouvais. T’es plus tout seul maintenant. Je suis là.

Presque au même moment, un bénévole retrouvait M. Lévesque, affaibli, à cinquante kilomètres de là.

Le lendemain, au CHUM

— Il est stable, l. Léger traumatisme, déshydratation, mais il est hors de danger, annonça doucement l’infirmière.

France ne put retenir un sanglot. Elle agrippa le bras de son mari~~. L. Léves~~, dont la tempe était encore bandée.

Ils avancèrent lentement dans le couloir aux néons trop blancs, comme s’ils craignaient de troubler quelque chose de fragile, de sacré.

La porte de la chambre 312 était entrouverte. Le Dr Marceau était assis à ses côtés.

Gontran dormait. Le visage pâle, amaigri. Une perfusion au bras. Sa poitrine se soulevait régulièrement, comme une mer enfin apaisée.

France s’approcha, les mains tremblantes. Elle s’assit près de lui et effleura sa joue du bout des doigts.

— Mon bébé… Tu es rentré.

Elle sanglotait en silence, la tête penchée sur lui.

M. Lévesque é~~esta~~ tait debout, au pied du lit, immobile, ~~incapable~~ ~~d’avancer davantaincapable~~ incapable d’avancer davantage. ~~gée~~ Une partie de lui reste figée i dans la peur.

Puis Mme Joly se racla la gorge et dit, la voix pleine de remords :

— À cause de mon entêtement, j’ai failli perdre mon fils… et mon mari. Les deux personnes que j’aime le plus au monde. Docteur… est-il trop tard pour le protocole français ?

— Nous avons une semaine pour remettre Gontran sur pied et compléter les documents nécessaires à son admission. On y va ?

— On y va, répondirent les deux parents, d’une seule voix, avec un sourire complice qu’ils n’avaient pas partagé depuis longtemps.