La salle était st silencieuse, on pouvait~~yuurait p~~ entendre une mouche voler, si mouches il y avait dans cette enceinte protégée de ce genre d’intrus. Vous comprenez que ce type de population ne peut pas peser le bouton d’entrée. Mais revenons à nos moutons, moutons n’ayant pas plus de moyens de pénétrer ce gala. Bon, trêve de spéculations inutiles, je disais donc que les fêtards s’étaient immobilisés, ne laissant qu’une atmosphère lourde de silence. Tous avaient le souffle coupé par l’expectative de l’annonce qui devait suivre. Juché sur une estrade suspendue grâce à deux tresses de chaines entrelacées Le Mexicain en imposait, rendu plus énorme sous son poncho et son large sombrero qu’il n’était en réalité. Il parla d’une voix tonitruante, gonflant le torse à en faire craquer les coutures de son manteau pourtant bien ample.

Il commença par ennuyer l’assemblée par l’énumération dithyrambique de ses exploits ma foi bien modestes aux yeux de la plupart des personnes présentes. Mais, comme c’était un passage obligé, tous écoutèrent patiemment, avec force bâillements et regards dérivés vers la contemplation des autres protagonistes, soulagés de voir qu’ils n’étaient pas seuls à s’impatienter. Enfin le discours assommant terminé, l’amphore sacrée lui fut apportée sur un chariot tiré par des pygargues à tête blanche et aux serres bien aiguisées. Gare à celui ou celle qui manifestait un trop grand dégoût, elles pourraient vous accrocher en rasant votre caboche.

Spécifions tout de suite que les contre-dossiers étaient automatiquement jumelés avec les candidatures et que la première liste divulguée par le maitre de cérémonie concernait les rejets ainsi que les motifs les ayant entrainés. Cette partie du protocole soulevait immédiatement l’intérêt endormi des participants. Personne ne voulait manquer lees détails croustillants qui avaient provoqué l’échec des postulants malhonnêtes ou pris en flagrant délit de tricherie. Ce recensement impliquait invariablement des membres détestés ou honnis chez plusieurs clans, trop heureux de les voir ainsi trainés dans la boue. LaMort attendait anxieusement que la révélation du scandale dont elle avait été victime, soit étalé publiquement au grand jour et la coupable enfin châtiée. Ce qui ne tarda pas.

Quelle fut la surprise générale d’apprendre que LaFaucheuse était la seule responsable de cette haute trahison qui avait tant scandalisé la population à l’époque et du~~e tout le~~ massacre qui avait suivi. Beaucoup se tournèrent alors vers LaMort, penauds et contrits pour l’avoir condamnée sans autre forme de procès. Seule une petite poignée de gens l'accostèrent ~~LaMort~~ pour s’en excuser sincèrement. Mais, ce petit cortège suffisait pour LaMort qui en ressentit un grand bonheur,~~et elle fut~~ envahie d’une bonne chaleur dans son cœur, une chaleur qu’elle ne se souvenait pas avoir déjà ressentie. Lon e contre-dossier contenant les aveux écrits de LaFaucheuse pour les évènements dont LaMort avait été accusée injustement, avait pu être porté à la connaissance de tous et ainsi la blanchir de tout soupçon. Elle s’était toujours demandée pourquoi elle n’avait pas produit ce coupable manuscrit avant aujourd’hui, croyant à sa lâcheté, mais elle devait savoir au plus profond d’elle-même qu’une meilleure occasion se présenterait éventuellement. Et bien ce moment était arrivé et il éut tait à la hauteur de sa vengeance.

L’instant tant attendu arriva finalement: l’annonce du ou de la grand.e gagnant.e du jour pour le poste tant envié de GSO. LeLoup et Ernst s’approchèrent de LaMort, lui tenant chacun un bras et l’entourant ainsi d’un halo de protection aimante. Le Mexicain prit la pause, commença à prononcer la formule tant attendue, prit une seconde pause, faisant planer l’expectative sur l’assemblée, satisfait de son effet, pour annoncer enfin le nom de la gagnante : Océane de la ville de Canberra, capitale de l’Australie. Un hoquet de surprise retentit dans l’assistance.

- L’ AAustralie? Mais c’est où ça l’Australie?-
Si loin? S’écrièrent ceux qui en connaissaient l’emplacement.

Une vague de déception secoua la salle, chacun croyant que le GSO serait Canadien. Le Mexicain fit taire les exclamations avant d’annoncer de sa voix de stentor une dérogation aux règlements habituels permettant pour cette fois de nommer un ou une assistant.e vu l’envergure que prenait l’évènement. Il rassura aussitôt la foule que le prochain gala se tiendrait tout de même ici. Un soupir de soulagement se fit entendre suivi derechef par des exclamations de surprise et d’interrogation devant l’énoncé de ce changement important dans la structure de l’organigramme

Encore une précision à ce stade viendra éclaircir la situation. L’évènement étant centennal, vous vous demandez surement qui, de la réunion actuelle, pourra y assister. Il faut spécifier que la chose se produit à l’intérieur d’un espace-temps particulier qui n’a rien à voir avec celui que nous expérimentons sur terre. C’est ce portail précis qui permet à tous de participer, autant sur le plan terrestre que celui d’autres planètes, en un seul et même endroit, à ce festival de renommée universelle.

Ces détails clarifiés, nous pouvons continuer de suivre les péripéties de ce jour si unique. Donc, LeMexicain s’apprêtait à annoncer le nom de la personne qui aura l’honneur d’assister la GOS pour le centenaire à venir. Un frisson unanime de grande excitation anima l’auditoire lorsque le nom de LaMort fut prononcé dans le micro. L’heureuse élue, au grand plaisir de la majorité des personnes et au grand détriment de quelques autres, poussa un grand Yahoo!! retentissant de joie et de bonheur; son travail avait payé au-delà de ses espérances. Sa réhabilitation lui suffisait mais cette consécration inespérée la rendait encore plus jouissive. Elle dansait, esquissant des entrechats, des pas de bourrée, des arabesques et tutti quanti. Son allégresse faisait plaisir à voir, ou mettait les nerfs à vif, selon la piétaille. Que voulez-vous, on ne peut pas casser des œufs sans faire une omelette, comme on dit. Ernst et LeLoup joignirent leurs voix et hurlements à celle de leur amie, giguant et sautillant avec elle. Ils virent tous LaFaucheuse se glisser, les yeux fuyants et la tête baissée vers la sortie, penaude et boudée par sa meilleure amie LaZoïle qui lui avait tourné le dos, comme si elle ne la connaissait pas.

Ils revinrent de la fête, bras dessus bras dessous, et se saoulèrent la fraise chez Ernst jusqu’aux petites heures du matin pour finalement s’écrouler de fatigue, qui sur le divan, qui sur le plancher et qui dans le lit. Le reste fait partie de l’histoire de l’humanité. LaMort prit l’avion pour l’Australie la semaine suivante, ou elle passa les 36 500 prochains jours à peaufiner l’organisation du prochain gala avec Océane de Canberra avec qui elle se lia d’une profonde amitié indéfectible. Ce séjour en cet espace-temps sui generis a eu comme avantage de la protéger à jamais de LaFaucheuse, eut elle voulu se venger. Une année terrestre plus tard, elle atterrit à Montréal, retrouva ses amis et son appartement. Tout lui sembla bizarre, presqu’irréel, elle dégusta son sempiternel Pepsi Diet, songeuse, écoutant à peine le babillage incessant de ses deux comparses, regardant autour d’elle ce fouillis par lequel, auparavant, elle n’était nullement intimidée. Mais son regard avait changé, ses amis le remarquèrent aussi. Une assurance tranquille l’habitait désormais, comme une aura de paix intemporelle.

Elle se cala confortablement dans son fauteuil élimé et réalisa qu’enfin elle était heureuse et vivante.