Le bouddha a dit que la vie n’était qu’une longue suite de souffrances causées par des désirs égoïstes et qu’une stricte discipline de vie permettrait de dominer ses passions et de cheminer vers l'Éveil. Une fois l’origine de ces désirs identifiée, il faut que nous agissions sur ses causes afin de les éradiquer et connaître enfin le nirvana.

Dans mon cas, mes désirs pour Manon C-, étant d’ordre beaucoup plus sexuel que spirituel, l’idée de partager l’objet de mes désirs avec d’autres disciples, seraient-ils bouddhistes ou machinistes, ne figurait pas dans ma définition de taches. Ni dans mon cahier des charges.

J’avoue cependant que mettre fin à une relation amoureuse de près de deux ans en quelques mots et deux trois clics sur Messenger n’est pas des plus élégant. Seulement voilà, c’est l’époque qui veut ça!

En plus de ne laisser pratiquement aucune trace, cette méthode permet en outre d’éviter les débordements affectifs malaisants et de limiter les dommages collatéraux. La rupture virtuelle, bien que non vertueuse, m’est apparue comme une alternative valable et intéressante pour mettre fin à notre histoire.

Send, et le tour est joué.

J’ai préféré m’éclipser avant que l’adepte du grand écart et des saltos avant et arrière arrive pour récupérer ses affaires. J’ai donc ipso facto enfourché mon vélo et suis allé rouler dans le quartier où j’ai habité en famille d’accueil après le décès de ma mère. Je n’y revenais pas tant pour mesurer le chemin parcouru depuis, que pour réaliser à quel point pendant tout ce temps je n’avais fait que tourner en rond. Et constater que la vie que j’avais rêvée n’était pas advenue.

J'attends le nirvana.

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J’ai encore croisé mon père ce matin dans le miroir de la salle de bain. Le cheveu rare, l’œil morne, le regard torve, tout y était. Et cette pitoyable mimique suggérant à fois le jugement, le prononcé de ma sentence et mon exécution. Ces tête-à-tête avec le grand homme durant mes ablutions ont commencé assez récemment et de me voir ainsi en lui m’horripile au plus haut point.

Je n’ai jamais aimé mon père.

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Ma mère était une excellente nageuse. Elle connaissait bien les courants et les remous du fleuve à cette hauteur pour s’y baigner depuis qu’elle était toute petite. Je la regardais nager devant notre grande maison de la baie. Elle semblait aussi libre et heureuse qu’un béluga croisant un banc de crevettes.

Contrairement à ses habitudes de baignade de fin de journée, maman n’avait pas voulu que je l’accompagne. Je l’avais tout de même suivi de loin et vu nager vers l’ouest, vers le soleil couchant. Je la revois encore s’éloigner à la brasse, à la brunante, tout doucement dans le scintillement doré du jour cédant quasi imperceptiblement la place à la nuit. Les autorités ont conclu à un malencontreux ~~alheureux~~ accident pour décrire la façon dont ma mère a rendu l’âme, qu’elle avait pure, tendre et généreuse.

Je n’ai plus jamais aimé le fleuve.