Deux mois plus tard, jour du déménagement...

Lily avait imaginé la journée de l'arrivée de Charles dans ses moindres détails. D'abord elle feindrait ne pas se souvenir de la date de son déménagement et quitterait plus tôt qu'à l'habitude pour le laboratoire. Après sa journée de travail, elle irait à la gym et entrerait chez elle vers 19:00. Des lumières seraient allumées chez Charles et elle s'arrêterait pour lui souhaiter la bienvenue prétendant être surprise de le voir là. Elle lui proposerait ensuite d'aller chercher une bouteille et quelques trucs à grignoter chez elle pour célébrer ces retrouvailles. Ils parleraient du temps passé, de leurs vies, du quartier et des endroits qu'elle jugeait digne d'intérêt. Ils se quitteraient tard le soir en se disant heureux que la vie les aies remis sur la route l'un de l'autre et se promettraient de beaux moments de voisinages et plus peut-être...

Mais la journée avait été tout autre. Elle toujours levée aux aurores, s'était réveillée en retard, changeant ainsi sa routine du matin si précieuse pour elle. Impossible de méditer, de faire quelques salutations au soleil et de siroter lentement son matcha. Nenni! Elle risquait de croiser Charles ou le camion de déménagement et de chambouler tout son plan. Notre Lily n'appréciait pas le changement... Mais comment avait-elle pu se lever en retard? Elle si organisée, et ce matin par-dessus tout! Après avoir manqué l'autobus, elle avait dû se résoudre à retourner chez elle pour prendre son vélo malgré la pluie battante et la peur de croiser Charles. Le prochain autobus devrait normalement passer 20 minutes plus tard, mais on était à Montréal, ville-reine des cônes oranges et de la STM en manque de ressource et en régulières coupures de service.

Elle avait enfourché son vélo à toute vitesse et était arrivée au labo trempée jusqu'au os avec son mascara, sa seule coquetterie, qui avait coulé jusque sur ses joues. Comble du malheur, elle avait croisé son patron juste au moment où elle entrait dans la salle de bain pour se débarbouiller, se coiffer et enfiler ses vêtements de sport, qui avaient été épargnés par son sac hydrofuge, et un sarrau sec.

Une importante réunion avec des collègues internationaux qui présentaient les résultats d'une étude très prometteuse sur une nouvelle immunothérapie amyloïde lui avait fait rapidement oublier son début de journée et son plan pour la suite. Son équipe allait reproduire l'étude avec des patients ayant reçu un diagnostic d'Alzheimer depuis moins de six mois et en suivre l'évolution sur une période de 5 ans! Que d'espoir pour les gens atteints de cette terrible maladie. Motivée et inspirée par la planification de ce projet, elle réalisa tout à coup qu'il était 18 heures. La gym attendrait. Elle ne voulait quand même pas arriver trop tard. Ses vêtements étaient secs, la pluie avait cessé, le retour s'annonçait beau et excitant.

Au tournant de la rue De Gaspé, son coeur battait la chamade comme une jeune adolescente qui entrevoit son nouvel amoureux au loin. Puis, en arrivant devant l'appartement, elle vit des ombres, il n'était pas seul. Que faire maintenant?