̶ Quand on cache une caisse de bières, on prend le risque de s'faire pogner~~ccepte son dévoileccep~~, lui avait-elle finalement répondu. J’ai mis la bouteille sua table pour que tu saches que je l’sais qu’tu bois. Assume que tu bois. Au moins, tu pourras la boire froide, ta bière, et en profiter pleinement. Pis si jamais t'u arrêtes de boire pour de bon, tu vas arrêter pour quelque chose que tu trouvais bon et rafraichissant. Arrêter de boire d’la bière chaude, çane demande pas une grande volonté.

Édith, qui avait lu une réplique similaire dans un roman, se trouva bonne comédienne. Son père ne répondit pas et la bière demeura sur la table pendant plus de trois semaine.

~~Quant à Jacques, bien qu’il quitta le garage disparût complètement en août 1973, il revint cinq fois vers Édith. La dernière rencontre ou revoyure remonte à juin~~ Jacques revint une première fois un soir de juillet 19749.

Assise à l’ombre d’un arbre dans la cour arrière de son logement, Édith ~~elle~~ lisait un roman. En la voyant absorbée, ~~Jacques se dit qu’il ne poulisait un roman. En la voyant absorbée,~~ Jacques se dit qu’il ne pourrait jamais correspondre avec une femme de livres. ~~Après cette réflexion, il~~ Il demeura dans son véhicule et n’alla pas lui dire bonjour : il redémarra sa nouvelle H~~etite auto économique~~ onda et reprit la route vers son camion garé dans son terminal, dans l’est de Montréal. Mon camion ~~aussi est vrai, se dit-il, en le voyant. Et il~~ réussit à m’emmener loin. ~~pour vrai, lui.~~ J’ai peut-être pas eu d’père ni de grandes instructions, mais je mène ma vie. ’e~~sais qui j’suis.~~ Pis exister ailleurs, sur la route, il n’y a rien de mieux pour moi. Même si...~~J’dois rien à personne.~~

Jacques ~~avait raison : il~~ était libre de touut. La route, comme un livre ouvert, lui faisait oublier sa passion; et mieux vivre l'impossible. Sur la route, il était un inconnu, un étranger. Comme un livre dont personne ne connait l'histoire et que personne ne lira. Pourtant, son esprit le ramenait toujours vers le visage lumineux d'Edith. a is ~~Édith~~ ~~lui~~ ~~manquaitt..~~ Sa passion pour cette jeune femme pleine de connaissances n’avait jamais eu de sens. Enfin, les passions, par définition, ne sont-elles pas irraisonnées? Comme Jack, le petit dragon, Jacques serait-il donc un être vivant d'impossibles? , ~~Il n’était vraiment bien que sur la route; son camion était comme les ailes de Jack, le dragon qui se plonge dans le roman, ouvert comme la route :~~

~~-1-~~

Cette histoire est passionnante et vraie. Comme ton cœur. Elle réchauffe; fait du bien à celles et ceux qui la lisent. Il est donc naturel qu’un petit dragon soit actuellement sur ton épaule.

~~Comme~~ Comme tous les dragons, ce dragon aide à tourner les pages. Munis de griffes et d’ailes puissantes, il sait agripper et soulever le coin de toutes les passions à tourner. Aucune page d’histoire n’effraie un vrai dragon. Rien dans l’univers tout entier ne sera jamais trop lourd pour lui. Les dragons sont les plus fortes de toutes les créatures. Quand tu lis une histoire et que tu sens de la chaleur dans ton coeur, c’est que tu es, toi aussi, un être fort comme un dragon; en mesure de changer le cours de toutes les histoires.

***

Jack relu les deux paragraphes. Une fois, deux fois, trois fois. Une histoire qui parle de moi, se dit-il, étonné que sa passion pour le monde de la lecture soit illustrée dans un roman, une fiction, alors que lui, il est bien réel. Il se tourna alors vers Édith endormie; vêtue de ses shorts et sa camisole préférées. ,v^ et iIl observa pour la première fois son visage, ses longs cheveux bouclés, sa peau, son regard fermé sur le livre ouvert. Il la trouva belle. Très belle.

Les dragons naissent des poussières froides, ~~au mo~~ au moment de leur entrée dans une atmosphère, leur coquille surchauffe et libère le petit lecteur. Plusieurs appellent ces naissances des étoiles filantes; mais bon, à chacun ses mythes pour expliquer ce qu’il ressent.

Certains dragons naissent dans des atmosphères de planètes où il n’y a pas de livress à lire. Condamnés à vivre dans la plus grande des solitudes, ils passent leur vie à voyager et à explorer grottes et montagnes; océans et plaines; rivières et canyons. Évidemment, leur plus grand rêve serait de tomber sur un livre; mais les écrivains n’habitent pas toutes les planètes. L’uUnivers, comme tu t’en doutes, vit une incroyable carence de fictions, d'histoires. ~~Des milliards .~~

~~Lesa~~Les dragons auraient ~~ont~~ beau arracher les rochers de tous les Sisyphes de l’Univers pour faire leur nid, les êtres recouvrant enfin leur liberté ne se plongeraient pas toujours dans la création littéraire.

La vie est dure pour les Jack de ce monde. La mère de Jack, après avoir pondu son oeuf réchauffé par toutes les misères, l'expédia~~e catapulta~~ dans la voie lactée. Quand sa coquille se réchauffa jusqu’à craquer dans le ciel du Québec, plusieurs firent un voeux. Mais le plus important était dans le regard du petit quand il vit qu’il naissait dans un ciel de créateurs. Son coeur à la vue de la Grande Bibliothèque de Montréal aurait pu faire fondre n’importe quelle pierre.

***

Elle rêve probablement, se dit-il, alors que des accords rythmés de guitare entrèrent, eux aussi, par la fenêtre de la cuisine. Je connais cette musique, pensa-t-il. En se disant cela, les paroles d’un homme commencèrent à accompagner la guitare.

If you traveling

in the north country fair

Where the winds hit heavy

on the bordeline

Remember me

to one who lives there

For she once was

a true love of mine

Jack reconnu cette chanson; une chanson dont il lute les paroles d’une épaule d’un passionné il y a très longtemps. L’homme s’était convaincu que suivre les paroles d’une chanson sur une page lui enseignerait la lecture. Mais au deuxième soir d’apprentissage, un voisin, fatigué d’entendre la même chanson tourner en boucles~~,r,~~ suggéra au passionné d’apprendre à lire en français, avec des chansons en français; et que des sessions d’alphabétisation s’offraient, le soir. Quelques jours plus tard, l'homme~~e passionné~~ quitta son travail de mécanicien pour se mettre sur la route. Et plus personne ne le revit jamais~~’a jamais revu~~.

Jack écouta la chanson jusqu’à la fin en pensant à cet exilé du monde littéraire, puis une autre, puis plusieurs autres. Bientôt, comme pour redonner au monde la notion du temps, le soleil se leva; et Jack s’envola vers l’ouest où il pourrait passer la nuit à lire, assis sur une autre épaule.

***

Édith fut réveillée par Marseille et une Volkswagen bleue, le véhicule du nouveau voisin, un jeune homme. Elle n’a jamais vu celui-ci, mais Germaine, une voisine depuis toujours, lui en avait fait un portrait, dans les marches de l'escalier commun, un samedi matin.

-Il vit tout seul. Jamais de visite. ILl arrive avec sa poche de linge pis ses valises le vendredi soir pis il repart les dimanches soirs. Il boit. Du bourbon du Kentucky. J’ai vu trois bouteilles en trois mois dans le bac de récupération. Il boit donc pas mal, vu qu’il est presque jamais là. Trois bouteilles. Ça veut dire une demi-bouteille par fin de semaine. Il boit comme un trou, c’est clair… mais il est un peu savant : il est abonné au National Geographic. Je l’ai vu. Il en a sorti un de sa boîte aux lettres un vendredi soir. En tous cas… J’me trompe peut-être… Il n’a peut-être pas beaucoup de connaissances. Il fait peut-être juste regarder les images. C’est toujours beau, quelqu’un qui s’intéresse au monde en regardant des images; quelqu’un qui fait pas juste lire. Même s’il n’est pas très beau. En tous cas, lui, il n’est pas tellement beau. Tu vas le voir un moment donné pis tu vas comprendre. Il doit avoir eu un accident. Ill bouette un peu, tu dois l’avoir entendu dans les marches. Tu dois l’avoir entendu bouetter, un samedi ou un dimanche, dans les marches? Édith! J’te parle!

-J’t’écoute. J’suis juste à boutte. À boutte de t’entendre mémérer sur tout l’monde. On peux-tu awouère la~~’osti~~ d’paix! Trois bouteilles en trois mois. S~~ibouère du bon dieu de st-cibouère de ciarge du colisse! On s’en tabarnack!~~ eigneur, ce n'est pas tant que ça! Mon père buvait plus que ça! Il mène pas d’train, il fait jamais jouer sa musique trop forte, on l’entend pas, on l’voit pas, il est pas là d’la semaine! Y’est comme un fantôme! C’est comme si y’existait pas! En fait, c’est juste ton ~~osti d’~~mémérage qu’on entend! Ça te tente pas d’ergarder ailleurs que dans les bacs de récup? Lits! Achète-toué un roman! C’est plein d’histoires, les romans!

-Les nerfs, l’intellectuelle! C’est qui qui a monté un dossier pour faire sacrer~~colisser~~ dehors l’autre qui avait parti sa compagnie de cabanes à moineaux dans son logement? Tac! Tac! Tac! à toutes les maudites~~ostis~~ ~~sd’~~fins de semaine! Vous étiez toutes ben contents quand le propriétaire l’a mis~~crissé~~ dehors avec ses deux cent cabanes à moineaux! Même les perroquets de Josette ont faite un party! Ça fa que hein : j’aide le monde, moué! J’passe pas ma vie dans les livres comme un personnage! C’est quoi, toué, ta vie? Tu passes ta vie dans une usine comme tout l’monde. Fa que arrête de penser que t’es mieux que tout l’monde parce que tu lis des romans pis que t’es abonnée au Devoir! Y’a du monde qui existe dans la vraie vie! Ouvre-toué les yeux!

-Je l’sais que y’a du monde qui existe dans vraie vie. La différence, c’est que moué, j’fouille pas le bac à récup pour savoir c’qui boué pis c’qui mange! M~~olisse de~~ audite fouineuse !~~de tabarnack que~~ ~~chu pu capab’.~~

***

Édith déposa sa coupe vide dans le lavabo de la cuisine. Entendre le Volkswagen s’éloigner lui donna la tentation de regarder par la fenêtre pour voir qui était ce jeune homme brisé. Tout le monde regarde par la fenêtre. Les fenêtres servent à faire entrer la lumière pour mieux voir, comme quand on s’enlève une écharde ou quand on lit un livre. Mais elles servent aussi à regarder dehors. Voir le temps qu’il fait pour savoir comment s’habiller. Il n’est pas interdit de tasser un peu le plein jour pour voir un jeune homme qui s’en va. Mais Édith se senti trop curieuse et se fit couler un café à la place. Une heure plus tard, elle était dans un bus en route vers le Mont Saint-Hilaire. Elle en avait besoin.