Rachel se retourna et vit Maggie étendue de tout son long par terre.

- Maggie, Maggie, est-ce que tu t’es fait mal? dit une Rachel affolée en accourant à côté de son amie.

Maggie s’esclaffa en se relevant.

- Pas peur, j’ai embrassé le sol de l’Espagne, comme le pape quand il arrive dans un nouveau pays

- Quelle inspiration!

Étonnée et soulagée, Rachel porta son attention sur les beautés qui l’entouraient. Les deux femmes avaient atterri à Castellón de la Plana. Endroit le plus près de leur destination première : Morella. Avant d’entreprendre leur tournée de l’Espagne, escale de deux jours à l’hôtel sur une plage méditerranéenne.

- Je suis tellement contente que tu te sois enfin décidée malgré toutes tes appréhensions. À nous l’Espagne! Allons défaire nos bagages avant de nous faire dorer au soleil.

Rachel était déçue de l’hôtel, non parce que celui-ci n’était pas luxueux, mais elle le trouvait trop américanisé. Elle s’attendait à quelque chose de plus exotique, dépaysant. Qu’à cela ne tienne, si Maggie avait choisi le motel, Rachel avait choisi l’itinéraire de leur voyage. La condition qu’elle avait émise pour sortir de sa cour.

Chacune dans leur chambre, respectant l’intimité l’une de l’autre. En fait d’intimité, Rachel en prenait grand. Pas trop d’intrusion dans son environnement vital.

Tout en revêtant son maillot de bain, Maggie eut une idée. Elle s’empressa de téléphoner à la réception. Pourvu qu’il ne soit pas trop tard! pensa-t-elle. Le sourire aux lèvres prouvait que son idée avait bien fonctionné. Bon, allons rejoindre cette chère Rachel.

- Rachel, es-tu prête? dit Maggie tout en cognant à la porte de chambre.

- Deux petites minutes, je cherche mon ombrelle.

- Ton ombrelle? Je peux te passer ma crème solaire si tu veux.

- Je ne parle pas de la crème solaire, je parle de mon parapluie solaire. Je ne veux quand même pas ressembler à un homard à la fin de la journée. Et je crois que je vais en profiter pour faire une promenade sur le bord de la Méditerranée. Avec mon ombrelle, j’aurai l’air de ces femmes du 18e siècle.

Cette chère Rachel, pensa Maggie. Elle a toujours un petit quelque chose de particulier. Bah, en Espagne, avec les bâtisses ancestrales, elle ne détonnera pas trop avec le paysage.

***

La plage était à couper le souffle. Des palmiers, elles en avaient vu souvent sur des photos, des cartes postales, mais en vrai, jamais. L’impression d’arriver dans un autre univers et enfin d’être dépaysée. Autour d’elles, des chefs-d’œuvre d’architecture typique de l’Espagne. Et la mer qui s’étendait à perte de vue.

- Tu respires cette beauté, Rachel?

- Je suis sans mot.

Trop émue, Rachel avait les larmes aux yeux devant tant de merveilles. À l’horizon, elle pouvait voir de petites iles et admirer l’ensemble du paysage, pendant que Maggie installait leur petit coin de paradis.

- Viens t’étendre, j’ai quelque chose à te dire.

Encore sidérée par ce qu’elle voyait, Rachel obéit à son amie.

- Comme tu as établi notre itinéraire : Morella, Oviedo pour voir les cathédrales et enfin finir sur les chemins de Compostelle, j’ai pensé rajouter une croisière d’ici à Vinaròs pour admirer la Méditerranée avant d’entrer dans les terres.

- Pour une surprise, c’est une surprise. Quelle idée splendide! Comment as-tu fait pour rajouter la croisière?

- Moi aussi, j’ai mes petits jardins secrets, sourit Maggie.

- En tous les cas, le couple à côté de nous n’a pas de jardins secrets. Je ne suis plus capable d’entendre leur Julio Iglesias. Une petite promenade sur la plage en écoutant Enrique Granados va me sortir de l’exaspération dans laquelle ils m’ont plongée. À tantôt Maggie.

Rachel s’éloigna, ombrelle à la main, écouteurs dans les oreilles. N’eût été de ceux-ci, on l’aurait prise pour une dame d’un autre siècle avec son pagne très long. Le calme retrouvé, elle comprit pourquoi Granados offrait une si belle musique classique. L’Espagne était, en effet, très inspirante.