Le laboratoire avait été détruit, mais, par chance, certains avaient apporté des documents afférents dans la salle de conférence et les y laissèrent lors de leur arrestation.

Arrestation? Marc n’en n’était pas si sûr. Les forces de l’ordre ne font pas sauter les laboratoires avant d’arrêter des scientifiques. Les forces de l’ordre donnent un minimum d’explications aux personnes qu’elles arrêtent et leur lisent leurs droits. Les forces de l’ordre ne sont pas armées jusqu’aux dents pour de simples arrestations!

Déjà, de se faire arrêter après avoir vu les effets de la déflagration dans leur laboratoire n’était pas facile à encaisser, mais la fausse arrestation, Marc en était de plus en plus certain, n’était pas de bon augure.

Entassés dans deux paniers à salade, les membres de l’équipe scientifique se taisaient, comprenant que la situation était vraiment grave. Ils se dévisageaient, les yeux écarquillés, on aurait pu y lire les questions que tous se posaient.

Le trajet leur parut très long, le temps s’écoulant sans qu’ils puissent le mesurer vraiment. Arrivés à destination, en pleine campagne, on les fit descendre et se placer deux par deux pour avancer vers un édifice anonyme.

Et c’est deux par deux qu’ils ont été installés dans des cabines où ne se trouvaient que deux lits, entre eux, une commode avec deux lampes de chevet, deux tables assorties d’une chaise, un ventilateur de plafond et une petite fenêtre à auvent haut placée, une porte d’acier lui faisant face. Un paravent cache toilette et lavabo.

Dans les cabines, les duos discutent à voix basse. Marc a été jumelé à Colin, un technicien avec lequel il travaille régulièrement. Ils en sont arrivés à la même conclusion, que ce n’est pas la police qui les a arrêtés, qu’au final, c’est un enlèvement collectif qui a eu lieu.

Qui a pu élaborer un tel scénario et orchestrer un tel projet comprenant la destruction du laboratoire à l’aide d’explosifs et l’enlèvement des scientifiques y travaillant? Et dans quel but? Personne n’était encore au courant des derniers développements de leurs recherches. C’est donc sur les résultats connus que se sont développés les plans de destruction du laboratoire et de l’enlèvement des scientifiques y travaillant.

Au départ, Marc et Colin ne peuvent arriver qu’à une seule conclusion: tout cela venait soit de l’industrie automobile, soit de l’industrie pétrochimique mondiale. Les producteurs de pétrole avaient les reins assez solides pour organiser la destruction des avancées qui réduiraient leur monopole à néant.

Par contre, d’autres avaient aussi l’intérêt à arrêter Marc et GreenEarth dans leur lancée. D’autres chercheurs de par le monde étaient dans la course! De plus, certains gouvernements soutenaient les pétrolières mais aussi les constructeurs automobiles locaux, lesquels les aidaient à se maintenir au pouvoir.

Bien paradoxalement, d’autres auraient pu trouver leur intérêt dans le statu quo. En effet, les fabricants de bioplastique, de biopolymères profitaient du capharnaüm créé dans l’environnement par la bactérie PSPT.

On avait de plus en plus recours au chanvre pour fabriquer maints objets, particulièrement dans l’industrie automobile. Cette plante demande peu d’eau pour pousser à toute vitesse. Elle représente donc un produit de base facilement renouvelable. Le biopolymère est plus léger, ce qui est un atout pour les constructeurs automobiles car une voiture plus légère consomme moins d’énergie, fait attrayant pour les consommateurs.

Les plastiques faits à partir d’algues ont aussi fait leur apparition et ils sont plus que prometteurs. Les fabricants de biopolymères ou de plastique biodégradable auraient pu désirer empêcher les avancées scientifiques de GreenEarth. Dans leur intérêt, le polymère et ses monomères doivent demeurer un phénomène catastrophique permanent…

Toutes ces suppositions font partie des discussions intenses entre Marc et Colin, et sûrement entre les autres membres de l’équipe et entre les responsables chez GreenEarth, lesquels ont pu récupérer et rassembler les documents épars laissés dans la salle de conférence.

Après la bruyante déflagration, les pompiers et les journalistes se retrouvèrent sur place en grand nombre. La nouvelle fit rapidement le tour du monde. GreenEarth refusa toute entrevue avec les médias, ne sachant de toutes façons qui était derrière cet attentat et n’ayant reçu aucune demande de rançon ou de quoi ce soit d’autre.

Les suppositions allaient bon train et les journalistes, n’ayant à peu près rien à se mettre sous la dent, se lancèrent dans des analyses de la situation qui allaient dans toutes les directions. Les policiers traînaient dans leurs enquêtes et ne trouvèrent aucun suspect à arrêter ou même à questionner. La disparition de l’équipe scientifique finit pas passer au second rang dans les nouvelles quotidiennes.

Où se trouvaient les membres de l’équipe? Eux-mêmes n’en savaient rien.

Quoi qu’il en soit, les ravisseurs les maintenaient prisonniers mais leur permettaient de se réunir et leur avaient procuré du matériel pour faire avancer leurs recherches. D’un commun accord, les scientifiques refusèrent de collaborer.

Il s’écoula trois jours avant que, déjà réunis dans une salle, il leur soit permis d’en savoir plus long. Un personnage haut en couleurs fut introduit dans la salle, entouré de comparses semblant l’idolâtrer. Il se présenta simplement: Ludwig Henningsen.

Ludwig Henningsen jubilait. Il avait devant lui une équipe de chercheurs complètement dédiés à la cause de l’environnement. Lui-même avait cru à la fin du monde lorsque les dommages reliés à la bactérie PSPT avaient dépassé l’entendement. Il leur exposa ses vues et par le fait même la raison de leur enlèvement.

Ce dont Ludwig Henningsen rêvait sidéra Marc et ses compagnons. Ces rêves correspondaient aux leurs! Ils finirent pas comprendre que leur ravisseur était multimilliardaire, qu’il avait des intérêts dans tous les domaines, dont l’automobile, le chanvre, le pétrole, les biocarburants, dans tous les domaines, quoi! Il possédait une telle fortune qu’il pouvait changer le cours de l’histoire et voulait ne se fier qu’à lui-même pour ce faire.

Mais il avait besoin de l’équipe à ses yeux la plus dévouée à la cause de l’environnement pour réaliser ses rêves, en fait, leurs rêves!

Le polymère a créé un énorme problème sur Terre, mais toute forme de plastique est somme toute une source de problème tellement grand qu’il peut être qualifié de létal. Ludwig Henningsen peut et va subventionner la recherche. Il a aussi un certain contrôle sur la publicité et il va l’utiliser.

Ludwig Henningsen est plein de bonne volonté. Il va faire pression pour que les industries dans lesquelles il a des parts et sont cotées en Bourse soient écoresponsables et cessent la production et l’utilisation du plastique. Il va aider financièrement à la dépollution des océans, du pôle Nord au pôle Sud, au recyclage dans les pays moins développés. Mais il va principalement accentuer les pressions pour que la population humaine mondiale soit informée et formée, éduquée et conscientisée. Peut-être que les humains seront assez intelligents pour ne plus renouveler le cycle infernal de la pollution et du réchauffement climatique.

Tout cela prendra du temps et la crise se conjugue au présent. Marc et son équipe de GreenEarth vont bien sûr collaborer, mais la tâche est immense, voire impossible.

Car la question se pose toujours: la face de la Terre aura-t-elle un jour changé, et de l’espace, reverra-t-on un jour une planète bleue, resplendissante de santé? Seuls les humains peuvent répondre à cette question. La planète Terre peut-elle leur faire confiance?