Prends à gauche sur Monroe et entre dans la ruelle derrière le Art Institute of Chicago Museum Shop. Ils le détiennent au sous-sol, là ou il y a des immigrants hispano illégaux qui fabriquent des souvenirs pour les touristes.
Mais comment peux-tu savoir tout ça ?
Tu sais bien que je l’ignorais il y a encore une demi-heure.
Tu n’a jamais envisagé de faire carrière dans la police ? Tu ferais une enquêtrice hors du commun.

Perséphone ne semble même pas entendre le commentaire d’Alban tellement elle est dans sa bulle.

Avance encore un peu et tu verras une petite porte rouge sur ta droite. C’est l’entrée par laquelle les employés, ou plutôt les esclaves, devrais-dire, arrivent. Quand j’y suis allée, il n’y avait pas de sbires pour surveiller cette entrée.

Alban saisit immédiatement sa radio et appelle pour avoir du renfort.

Nous avons une intervention à faire au sous-sol du Art Institute of Chicago Museum Shop. Il y a des immigrants illégaux qui y travaillent sous la menace. Les gardiens seraient lourdement armés. Alors, envoyez la cavalerie!

Alban ne s’est même pas encore immobilisé que Perséphone se précipite hors de la voiture.

Perséphone! Attends les renforts! lui hurla Alban.

Elle entend l’avertissement, mais lors de son séjour sur place, elle a pris le temps de reconnaître les lieux et de trouver comment s’introduire dans le bâtiment pour délivrer son amoureux. Pour l’instant, il n’y a que ça qui compte pour elle.

Son pas est à ce point rapide qu’Alban peine à suivre son rythme.

Où crois-tu aller comme ça, Perséphone ?
Ne t’en fais pas, je sais comment entrer sans être vue. Nous allons passer par la boutique et emprunter l’élévateur de service.
Je veux bien, mais une fois à l’intérieur, tu comptes faire quoi ?
J’improviserai.
C’est bien ça le problème. Et que feras-tu quand la cavalerie débarquera et commencera à tirer dans le tas ? Tu deviendras une cible au même titre que les bourreaux de Hadès. D’autant plus que lorsque j’ai donné l’alerte, l’inspecteur Lacombe a surement été mis au courant de l’opération et il souhaiterait certainement profiter de l’occasion pour se débarrasser d’un témoin gênant.
OK, tu as raison !
Quoi? As-tu vraiment dit que j’avais raison ?
Pas le temps de tomber dans ces considérations, Alban ! Essaie seulement de savoir qui est à la tête de la cavalerie qui va débarquer. Je pourrai l’orienter afin d’assurer la sécurité de Hadès.

Il y a de ces nouvelles qu’on aimerait mieux ne pas entendre. L’information transmise par le répartiteur a l’effet d’un coup de barre en plein front. ‘’ C’est l’inspecteur Lacombe’’ annonce-t-il.

Le cellulaire d’Alban retentit aussitôt. Voyant que c’est Lacombe, il active le haut-parleur. Une voix hurlante vocifère :

C’est quoi c’t’affaire-là, Alban !

Alban jette un regard interrogateur vers Perséphone en la suppliant des yeux de lui fournir la réponse à la question de Lacombe.

Réfléchissant à la vitesse de la lumière, Perséphone lui murmure, micro éteint :

Dis-lui que, selon ton information, la folle qui s’est jetée sur lui dans son bureau est sur place et que c’est elle qui a appelé la police.

Alban lui lance un regard noir, mais réalise qu’il s’agit là de la meilleure stratégie pour que Lacombe lance l’assaut même si c’est contre l’organisation de son ami Bozo.

Lacombe tombe dans le panneau et demande à Alban de l’attendre sur place. Il y sera dans pas plus de 10 minutes.

Maintenant, Alban, nous n’avons plus le choix de sortir Hadès . Nous avons 10 minutes avant que notre fou furieux débarque. Au préalable cependant, tu vas resserrer l’étau sur Bozo. Tu dois bien connaître quelqu’un dans son entourage qui se ferait un plaisir de transmettre rapidement l’information à son patron sur la descente qui se prépare contre une de ses installations, non? Fais-ça, et moi je me charge de sortir Hadès de ce trou en douce avant que la situation ne dégénère.
Sans plus attendre Perséphone se lance en direction de l’ascenseur. Alban a bien saisi que tenter de la retenir ne servirait à rien et la regarde foncer dans l’action avec beaucoup plus d’admiration que de crainte. Il prend son téléphone et suit les instructions de Perséphone.

Arrivée au niveau des ateliers clandestins, Perséphone voit la douzaine d’employés qui bossent comme on le voit dans les usines du début du siècle dernier. Tous lèvent les yeux vers elle et sans trop réfléchir elle leur dit : ‘’No te préoccupes nosotros te sacaremos de ahi’!

Personne à l’horizon, elle fonce vers le local où est détenu Hadès. En ouvrant la porte elle se sent aussitôt poussée dans un coin de la pièce, face contre le mur. Un énorme frisson lui traverse tout le corps sentant que sa fin est arrivée.

Perséphone ? Que fais-tu ici ?

Elle se retourne à la vitesse de l’éclair et se lance dans les bras de Hadès.

Tu as réussi à te débarrasser d’eux ?
Un jeu d’enfant, ma chérie. Il sont si idiots.

Les deux lascars qui lui servaient de gardes reposent dans un coin, bien ficelés avec les fils des vieux ordinateurs entassés sur un bureau au fond de la pièce.

Pas le temps de t’expliquer, mais nous devons sortir d’ici illico parce que ça va péter dans quelques minutes

Hadès emboite aussitôt le pas à sa compagne. Passant devant les employés, Perséphone leur dit qu’ils doivent sortir de là rapidement et que leur sécurité serait assurée par son ami de la police. Il y a eu une hésitation de leur part, mais voyant en Perséphone une personne bien intentionnée, ils la suivent vers la sortie.

En direction de la boutique, Perséphone appelle Alban pour lui dire que tout le monde est en sécurité et qu’il peut déclencher l’opération : ‘’on se tape sur la gueule entre mafiosi’’.

Comme par magie la bande à Bozo et les cinq voitures de polices dirigées par Lacombe arrivent simultanément devant la porte rouge et comme on lance le départ d’une course, Alban qui se trouve en léger retrait, lance les hostilités en tirant un coup de feu en l’air. On se serait crus un 4 juillet, tellement la pétarade qui suit atteint un niveau élevé de violence.

***

Étendus confortablement dans le divan de leur salon, Perséphone et Hadès écoutent les actualités:

“En bref, les nouvelles de la semaine : Une autre page a été tournée ce mardi dans la chasse aux gangs criminalisés de la ville. Le tristement célèbre criminel que la police recherchait depuis des années et qu’on appelait Bozo a été abattu lors d’une descente effectuée dans un atelier clandestin. Nous déplorons toutefois la mort de l’inspecteur Lacombe de la CPD au cours de la descente. Cet officier, au service exemplaire, a consacré toute sa carrière à la protection de la population de notre ville…’’

Bla! Bla! Bla! Oui oui, au service de la population! À ton propre service plutôt! commenta Perséphone.

Se calant davantage au creux de l’épaule de Hadès, elle se sent maintenant en sécurité.