Ce soir, il pleut! Vincent et le chat roupillent sur le sofa. Mes deux amours. Tout est paisible dans la maison. Une tasse de café à la main je me dirige à mon bureau. Je dois résoudre cette énigme, non pas de décryptage, cela est fait. J’ai l’impression qu’il y a quelque chose entre les lignes, mon intuition est tellement fort que je ressens le besoin d’aller plus loin. Et cela ne me trompe jamais…

Il est vingt heures, lumière tamisée, assise confortablement sur ma chaise bergère, écoutant la pluie qui tombe sur le toit de tôle, je dépose ma tasse sur le guéridon, et me ferme les yeux.

Je vague dans mes pensées, je ressasse le décryptage afin de trouver quelque chose d’essentiel.

Soudain, je ressens comme si quelque chose me serrait tout autour de mon corps, voyons que se passe-t-il? J’ouvre les yeux. Personne n’est là et pourtant je sens une présence. Je ne peux plus bouger. Je ne peux crier. Je vois un être s’avancer vers moi. Qu’est-ce que c’est que ça? Peau lézardé brun-beige, yeux en gouttes d’eau, deux petits orifices pour le nez et de grands doigts, et il est grand, plus que la normale.

Je flotte dans l’espace de mon bureau. Je suis dans un état d’amnésie partielle. Comment je fais pour flotter? Ce n’est pas une sortie de mon corps, je ne rêve pas non plus… donc… c’est réel!

Il est toujours à mes côtés comme un garde du corps. Un cercle d’eau blanche se forme et tourbillonne devant moi. Puis, je me retrouve dans une pièce en fibre de verre couleur aqua, c’est paisible. J’aperçois à quelques mètres deux êtres humains habillés d’un sarrau blanc qui vaquent à leurs occupations. Ils ne tiennent pas compte que je suis là.

En détournant mon regard, des êtres d’un autre monde se tiennent là, devant moi. Je regarde tout autour et je suis dans une pouponnière. Des hybrides sont étalés par rangée dans leur petit lit.

Pourquoi? Que me veulent-t-ils? Un des leur s’avance et m’informe :

- Nous sommes ici depuis que la terre est formée. L’être humain est notre création. Nous vous avons déposé sur cette planète afin de mieux expérimenter l’évolution de vos comportements, de vos émotions et de votre intelligence. Maintenant après de multiples millénaires c’est assez. Nous aimerions que l’être humain puisse prendre une tout autre tangente.

- Nous vous demandons d’accélérer le processus, de mener à terme une évolution de bien-être, de réconciliation et d’un amour inconditionnel en vous… et entre vous.

- Oui je veux bien, mais comment?

- En parlant aux peuples de la terre, de manifester votre désaccord à tout ce qui côtoie le pouvoir, l’argent, la pauvreté, la violence sous toutes ses formes, les guerres de territoire, l’inégalité entre vous. Vous devez réagir! Pacifiquement. Chers humains, on vous entend dans vos souffrances et vos joies éphémères.

- La peur d’être montré du doigt pour une cause si noble est épeurant à la fois, car vous allez contre les systèmes, donc cela vous désarme. Il n’y a pas de changements sans bousculement intérieur. Mais c’est à vous de choisir de quelle façon cela doit être fait, soit par un tsunami, par une vague ou par un frisson sur l’eau. Les trois à la fois pourraient aussi se complaire chez l’humain. Comprenez-vous ce que nous vous disons?

- Je n’ai pas ce pouvoir! Leur répétais-je!

- Croyez-vous vraiment? Nous vous suivons depuis votre enfance et nous vous avons choisi pour ce moment, qui sera un grand tournant pour la planète. Vous ne serez pas seuls. Tout comme vous, d’autres aussi ont été choisi. Et vous vous rassemblerez afin d’établir un plan. C’est pourquoi nous avons créé et encore de nouveaux humains hybrides qui sont déjà parmi vous, afin de mieux vous conscientiser et de désamorcer toutes actions qui pourraient nuire à la planète et à votre plan. Astucieux non? Nous apprenons aussi des êtres humains, la stratégie bienveillante.

- Et que va-t-il nous arriver après cette unité que vous convoitez? Pensais-je

- Lorsque tous les grains de sable formeront un tout, vous vivrez dans un monde plus paisible avec un autre genre d’apprentissage.

Ce fut leurs dernières paroles.

Je sors de mon amnésie sur ma chaise accompagnée d’un bruit et un petit jet d’eau qui est soufflé à mon visage. Il est onze heures. La pluie s’est arrêtée. Donc trois heures de ma vie se sont écoulées et cela m’a paru trente minutes max… étrange cet événement!

Je cours voir Vincent. Il est accoté dans le cadre de la porte arrière de la maison. Il me regarde tout souriant en me disant :

- Ah! Te voilà, tu as bien travaillé? Je n’ai pas voulu te déranger. C’est drôle, j’ai crû voir quelque chose d’étrange dans ce ciel nuageux, une forme ronde brillante. Qui sait? Peut-être nos amis de l’Arctique, dit-il avec un petit rire nerveux.

Je m’approche de lui avec une fébrilité qu’il ne reconnait pas.

- Que se passe-t-il Jasmine? As-tu trouvé quelque chose?

- Oui, on doit parler, c’est trop flippant!

Jasmine raconte à Vincent ce qu’elle a vécu avec Nelson à la base militaire et ce soir à la maison. Vincent la regarde un peu hébété, mais pas étonné. Il ajoute :

- Je ne sais quoi dire Jasmine… C’est troublant! Qui va te croire? Nelson? Ah çà oui, vous êtes la paire parfaite, mais à part vous, qui? Le premier ministre du Canada? Ben voyons! Tu vas passer pour une illuminée. Tu vas perdre ton droit d’exercer ton métier. Tu vas être la risée des nouvelles.

- Vincent tu me crois n’est-ce pas?

- Oui certain. Mais, j’ai peur pour toi, et pour moi. On ne peut pas faire çà, c’est aller tout droit vers une potence existentielle, ajoute Vincent.

- Je sais! Mais donnons-nous du temps pour réfléchir à une façon de faire.

- C’est trop tard, on ne peut pas contenir ou contrôler tout ce côté sombre de l’être humain dit Vincent. Et quoi encore? Chanter Kumbaya? Non, non, je veux être tranquille et revenir à mon ignorance et mes pantoufles.

- Là, c’est vraiment trop tard mon beau Vincent! Tu sais maintenant et tu ne peux plus reculer. On doit aider à notre manière et réfléchir à notre plan.

Vincent lève les yeux dans les airs en joignant les mains, il marmonne quelques mots d’une prière.

« Ainsi soit-il, Amen ».

Il hoche de la tête en regardant Jasmine

- On aurait dû aller en Afrique…

Au même moment, le cellulaire de Jasmine sonne.

- Ah c’est Nelson!

- Non ne réponds pas, ne fais pas ça! Dit Vincent en essayant de lui enlever son téléphone.

- Allo Nelson, oui on va très bien. Ah oui? Pourquoi pas? Je lui en parle. Te redonne des nouvelles. Ciao!

Vincent les yeux écarquillés lui fait signe de la main que c’est un non.

- Mon amour, l’Afrique ça te dis?