Soudain, j’entends une voiture qui se gare dans le stationnement, tout près. Le moteur s’éteint, une portière s’ouvre, une deuxième, puis se referment. Des pas approchent, deux personnes se parlent….

-Ça fait longtemps que tu joues dans ce théâtre toi au contraire de moi, dit une femme.

-C’est vrai, plusieurs années, tu n’en es pas à ta première non plus tout de même, lui répond une voix d’homme…(que je reconnais)…. tu as constaté comme moi combien les gens apprécient en général? Et là avec la panne je me demande si…. Mais, voyons, dit-il, quelqu’un est étendu sur le sol entre les 2 voitures

C’est trop tard, je ne peux pas me sauver, je fige

-Mais, c’est ma voisine de chambre!! Madame Desruisseaux que faites-vous là? Je suis Jean-Philippe Cotnoir, vous vous souvenez? Vous n’êtes pas blessée j’espère…

-Euh! euh! Oui bien sûr, je vous reconnais, euh! enfin je crois bien ….excusez-moi j’ai eu un petit malaise et j’ai cru bon m’étendre un petit moment dis-je en me relevant….

Je balbutie des mots, des phrases sans m’en rendre compte tellement je suis déstabilisée et honteuse de me retrouver ainsi surprise d’être étendue par terre….. et je suis toute sale, couchée ainsi sur le sol du stationnement mais qu’est-ce qui me prend donc à me coucher au sol tout le temps!!

-Comment dites-vous?……vous avez cru me voir fouiller dans la voiture d’à côté??

Il me regarde d’un air suspect puis jette un regard complice, me semble t’il, à sa compagne

-Oui, mais bon, enfin, quoi, je ne sais plus ….vous êtes-là et tantôt je vous croyais là-bas, avec une autre femme là, celle qui organise les activités

-Ah! Je vois, dit-il en riant…. voyons madame Desruisseaux, reprenez vos esprits, cette voiture est celle de mon frère jumeau, Ludovick…..je sais, on se ressemble tellement, les gens nous confondent…. alors il est revenu de son urgence familiale, tant mieux, cela veut dire que tout s’est bien réglé

-Venez, on vous raccompagne à l’auberge dit sa compagne. Vous devez vraiment vous mettre en mode vacances vous là, me dit-elle avec gentillesse et un regard amusé…

Oh! Que je ne le flaire pas du tout celui-là, ce Jean-Philippe

-Non, non merci, c’est gentil mais je vais d’abord me changer en vitesse avant de retourner à ma table

-D’accord alors on se voit tantôt pour notre pièce de théâtre si elle n’est pas annulée par cette panne… vous avez toujours votre billet de courtoisie?

-Oui, oui ne vous en faites pas

Ouf, quelle histoire, j’ai l’air d’une vraie folle

15 minutes plus tard me voilà revenue à ma table changée en vitesse….. Je porte ma main à mon cou pour toucher mon porte bonheur, ce petit pendentif des 2 dauphins……Oh! je ne l’ai plus!! Zut il doit s’être dégrafé en me changeant, je vais le retrouver à mon retour à la chambre

- Attention, attention, mesdames et messieurs, interrompt l’assistant gérant, monsieur de Chateauvert.

Il semblerait que la panne doive se prolonger au delà de ce que nous espérions. Nous sommes désolés de cet inconvénient. En compensation, vous êtes les bienvenus au bar où nous vous offrons un choix de digestifs ou autre choix de boissons alcoolisées ou non. Il y a également des assiettes de fromage et craquelins en accompagnement. Profitez de cette belle soirée dans notre lieu enchanteur.

Comme vous le constatez, la soirée est douce, chaude avec une lune légèrement voilée pour une soirée mémorable. Pour la circonstance, nos employés ont également bien garni les tables de la terrasse avec des lampes à l’huile et nous vous invitons à vous y diriger…..cela vous permettra de poursuivre vos échanges entre vous en toute cordialité.

Ce que font les invités. Doucement ils se lèvent et s’orientent vers le bar, certains déçus et irrités par cette tournure de programme, d’autres ravis par cette invitation gratos à profiter d’alcool et de fromages et ce, en prolongeant le plaisir des nouvelles rencontres pour certains. Les éclats de rire commencent à s’entendre….

- Un instant s.v.p poursuit monsieur de Chateauvert. (Le silence revient parmi les convives.)

- En ce qui concerne la pièce de théâtre, poursuit-il…..

Eh! Vlan! Un cri strident se fait entendre

-AU SECOURS, À L’AIDE, AU VOLEUR. Une voix de femme perce la nuit, elle appelle au secours près du lac, un chien jappe au loin

Un silence de mort prend place dans la salle à manger, le bar et la terrasse ….les clients se regardent, inquiets, aux aguets, regardent vers la plage, le lac, se regardent, s’interrogent intérieurement comme s’ils pensaient “on y va ou non? on va l’aider ou pas?” Puis, sortant du groupe, décidé, mobilisé par un élan spontané un homme se démarque

-Laissez-moi passer, tassez-vous, allez, vite dit un homme en se frayant un chemin, je crois que c’est ma femme qui est allée faire un tour de ce côté….Un autre homme se sent interpellé et le suit en courant… avec Felipe qui est sur leurs talons et du coup je vois apparaître l’enquêteur Chamberland qui se met à les poursuivre…AH! Ben, ça alors, me dis-je, il était dans la salle lui!!!

-Attention, attention restez calme s’il-vous-plaît, clame monsieur de Chateauvert, restez sur la terrasse ou à l’intérieur à vos places, nous nous occupons de tout….

Puis je vois un des frères Cotnoir…. Ludovick peut-être et la femme qui organise les activités….sortir en tapinois par des portes différentes puis je ne peux plus distinguer leur direction

Les invités sont surexcités, déconcertés, certains veulent entrer dans l’auberge et monter se réfugier à leur chambre tandis que d’autres veulent aller aider et devenir détectives d’un soir

-Désolé, mais aucune personne ne peut quitter les lieux pour l’instant, ordonne monsieur Duverger, comme bon gérant il appliquait les procédures de sécurité de l’auberge. Nous vous prions de rester calme, les policiers arriveront sous peu. Il n’y a aucun danger si vous restez groupés.

Ouais, me dis-je, mais moi je ne suis pas du genre à attendre et me morfondre sur place.

Je décide de me lever discrètement pour me diriger vers les lieux du drame quand une main me prend le bras et me tend un poing fermé

-Serait-ce à vous? Me demande l’autre frère Cotnoir, Ludovick ou Jean-Philippe, là je n’ose plus affirmer l’identité de celui qui est devant moi….il ouvre le poing et laisse pendre mon pendentif avec la même arrogance qu’il avait sur le balcon.

-Oh! Ah! Ça alors! je bégaie, je suis confuse…. ma gorge devient toute sèche…mon coeur se met au rythme galop…..est-il entré dans ma chambre?????

-Bien sûr que si, mais où l’avez-vous pris dis-je d’une voix chevrotante.

-Il était par terre, à côté de la voiture, là où vous étiez étendue tantôt. Je l’ai vu en allant chercher quelque chose dans la voiture de mon frère…… Je dois aller les rejoindre mais tenez vous disponible au cas où nous ayons besoin de votre expertise de médecin légiste, d’accord?

-Euh! Vraiment? dis-je. Puis je vois le sac de gym à ses pieds, celui où j’ai vu son frère y mettre le revolver à long museau. C’est donc Jean-Philippe Cotnoir qui est devant moi ….

Il suit mon regard et subitement empoigne le sac et s’enfonce dans les jardins. Je suis estomaquée et terrifiée….il va commettre un meurtre alors me dis-je…

Simultanément j’entends plusieurs convives hausser le ton; par nervosité, par un ou deux verres de trop, par impuissance ou par défiance. Certains discourent sur les hypothèses de ce qui se passe, d’autres sont assis et discutent calmement laissant au personnel de l’hôtel le soin de gérer la situation.

Venant de la plage en notre direction, des voix se rapprochent, une femme et un homme se tiennent collés, lui la protégeant, accompagnés de Felipe qui, dès que le couple arrive en sécurité parmi nous, repart aussitôt tenter de retrouver l’agresseur

-Ah! Si vous saviez, lance la femme en nous regardant tous, nous les clients de l’auberge. Si vous saviez l’horreur que je viens de vivre….. marchant pour admirer le clair de lune sur le lac, quelqu’un m’a sauté dessus sur la plage, a arraché mon collier de diamant, pris mon bracelet, mes bagues …..elle se met à pleurer, son mari la serre dans ses bras, la console, la rassure en disant que c’est fini……..qu’ils vont le retrouver……elle continue, a besoin de raconter, d’extérioriser cette terreur vécue hors d’elle…..

-Puis il m’a poussé par terre, mis la face dans le sable et s’est enfui

-Vous pouvez le décrire demande monsieur Duverger?

-Estomaquée, elle répond en éclatant en sanglots

-Non, j’ai été attaquée par derrière, jamais je n’ai pu me tourner pour le voir …..Quand je me suis relevée et que j’ai appelé à l’aide je ne voyais qu’une silhouette courir vers les bosquets… Avec la lune j’avais l’impression que tous les vêtements étaient noirs même les gants et la casquette. Puis, elle s’exclame: Mais c’est peut-être quelqu’un d’entre nous, quelqu’un qui était avec nous au repas dans la salle à manger et qui a vu mes bijoux…Oh! faites quelque chose vous monsieur le gérant, où sont les policiers …….

J’en avais assez entendu, elle ne savait rien de plus, alors je décide de m’éloigner en catimini et de me diriger vers les bosquets quand….

-BANG, un coup de feu se fait entendre…dans les bosquets… puis on entend des bruits, des voix

-Suivez-le bon sang, attrapez le moi ce salaud ……non, c’est une femme je crois…..Felipe sort en courant à pas précipités et me rentre presque dedans

-Vous l’avez-vu? Dans quelle direction est-elle allée?

-Non, non, je n‘ai rien vu sauf vous,

-Donc elle a pris un autre chemin que le petit trottoir!!!

-Qui a tiré? Y a t’il quelqu’un de mort? j’ose demander

-Je ne sais pas…..dans les bosquets crie Felipe en reprenant sa poursuite…….Rentrez à l’auberge vite…..

Mais non, pas pour moi merci ….pas question que je me cache encore et que je me retrouve couchée au sol……je me dirige vers les bosquets d’un pas décidé, là où j’entends des voix ou plutôt……