Après quelques heures de réflexion et plusieurs cafés ingérés, j’ai décidé de contacter l’inspecteur en charge de l’enquête. J’ai demandé à le voir le jour même et pas dans deux jours tel que prévu. Il me donna rendez-vous pour 11h45. Je demandais juste à retrouver ma tranquillité mais si je pouvais aider à élucider un crime quelqu’il soit, je le ferais.

Je suis arrivée au poste de police avec 15 minutes d’avance. Pendant que j’attendais qu’on vienne me chercher, j’observai le va-et-vient incessant qui se déroulait sous mes yeux. Une vraie ruche, tout le monde s’activait soit au téléphone soit à l’ordinateur, ça rentrait, ça sortait, ça discutait, de quoi me donner le tournis, habituée au calme de ma librairie. Une employée de bureau me conduisit au bureau de l’inspecteur Malraux. Il était au téléphone et me fit signe de m’asseoir. La pièce était jonchée de dossiers empilés, sa table de travail remplie de paperasse, aucun espace libre. Plusieurs tableaux au mur avec des photos et des ramifications entre elles. Du coup, je me suis sentie au coeur d’une série télévisée et ça ne me plaisait pas beaucoup. Je voulais plus que tout retrouver ma petite vie tranquille et ce, le plus rapidement possible. Il termina son appel, se leva et me tendit la main.

« Mademoiselle Brindamour, bonjour. Vous vouliez me voir aujourd’hui? Expliquez-moi, je vous écoute. »

Énervée, je baragouinai quelques phrases, tout à fait incompréhensibles. Je me suis excusée d’être aussi stressée, j’ai pris une grande inspiration et je me suis reprise. J’ai commencé par lui avouer mes inquiétudes des dernières semaines et lui demandai si d’après lui il y avait un lien avec les événements d’hier soir. Moi, je croyais que oui. Il m’écoutait sans rien dire. C’était clair qu’il attendait que je lui en dise davantage. Je lui ai tout dit sur la relation que j’entretenais avec Laura et lui rappelai que jusqu’à ce qu’un des policiers présents le mentionne, j’ignorais le nom de famille de ma voisine. Je voulais qu’il comprenne que je ne savais rien d’elle. Il ne disait toujours rien. Alors, je lui ai parlé des livres que je devais récupérer aujourd’hui même chez les grands-parents de Laura et des consignes étranges qu’ils avaient exigées pour que j’en prenne possession. À ce moment-là, j’ai perçu de l’intérêt dans son regard. Je ne voulais en aucune manière être mêlée à une histoire louche et pour cette raison je n’irais pas à ce rendez-vous. Je lui répétai tous les détails ainsi que l’adresse. J’ai ressenti un grand soulagement d’avoir raconté tout ça.

« Merci beaucoup pour ces informations, madame, elles vont nous être très utiles.»

Puis, il m’offrit un café que j’acceptai avec joie. J’appréciais cette attention. Aurais-je droit à un vieux fond de carafe imbuvable ou à un bon café corsé comme je l’aime?

À son tour, il prit la parole. Il tenait à me rassurer. Dans les dernières semaines, ses hommes avaient surveillé la librairie. C’était donc eux qui avaient suscité mon inquiétude. Il ne pouvait pas me mettre au courant de l’enquête en cours mais son équipe avait reçu de l’information à propos d’un possible trafic d’armes qui devait transiter par mon commerce. Je me suis sentie faiblir en entendant ces mots. Conscient de mon désarroi, il m’expliqua que les escrocs voulaient sûrement juste se servir de moi comme couverture.

Les armes provenaient des Etats-Unis, avaient sans doute été cachées à la maison où je devais me rendre et les supposés grands-parents n’existaient peut-être pas vraiment. En lui donnant l’adresse exacte, ses hommes pourraient intervenir et saisir les boîtes. Tout ça restait à être confirmé. Laura devait être celle qui avait eu comme mission de me convaincre d’accepter ce don. Ils essayait de la localiser, sans résultat pour l’instant, elle était toujours en cavale.

D’un bond, l’inspecteur se leva et me demanda de l’attendre quelques minutes. J’étais abasourdie par ce que je venais d’entendre. Comment était-ce possible que je me retrouve dans une telle situation? J’aurais aimé pouvoir effacer toute cette histoire et retrouver ma petite vie banale.

Moi, Anaïs Brindamour, je me retrouvais au coeur d’un traffic d’armes à feu. Si je disais à mes proches ce que j’étais en train de vivre, ils se moqueraient de moi et riraient à s’en tordre les boyaux. Moi, je frissonnais d’effroi juste à y penser.

Au bout de dix minutes, l’inspecteur revint accompagné de son adjoint. Tous deux me regardèrent et je les sentis mal à l’aise. Ça ne présageait rien de bon.

« Mademoiselle Brindamour accepteriez-vous de nous aider encore un peu? Accepteriez-vous de vous rendre comme prévu récupérer les fameuses boîtes? Nous serons également sur place pour intervenir en cas de besoin. Mes hommes ont l’habitude de ce genre d’opération policière. En aucun cas, vous ne serez mise en danger. Nous pensons que si tout se passe comme ils l’ont planifié il nous sera plus facile de leur mettre la main au collet. Vous n’êtes en aucun cas obligée d’accepter mais nous vous en serions très reconnaissants. »

J’ai demandé un verre d’eau, je ne me sentais pas bien. J’avais chaud, très chaud. Le verre d’eau arriva promptement dans mes mains tremblotantes. Une fois que j’eus repris mes esprits, ils me laissèrent seule pour que je puisse réfléchir à leur proposition. Seule, dans ce bureau encombré qui ne me donnait pas confiance. S’il bâclait ses enquêtes comme il entretenait son bureau, je n’allais pas sortir indemne de cette folle opération.

Au bout d’une dizaine de minutes, ils revinrent.

« Qu’avez-vous décidé Mademoiselle Brindamour? Le temps presse. Nous devons agir vite. »