Que je suis beau ! Mais que je suis donc beau ! se dit Zal,

Il tournoyait, déployait ses magnifiques ailes orangées. Les légers vêtements dont il était couvert tournoyaient autour de lui dans une symphonie colorée.

Et on est pris dans ce maudit désert depuis des mois. Personne n’a vraiment envie de faire la guerre. C’est bien plus drôle faire la fête ! Et en plus, il n’y a quasiment pas de daemones. Elles sont toutes restées à Démonia.

Il sortit de sa tente et observa le grand déploiement d’oriflammes, de cerbères qui jappaient, d’armes qui luisaient au soleil. Et son père, plus grand que nature, qui haranguait un groupe de guerriers.

Il soupira.

Moi et mes amis n’avons vraiment pas envie de nous coltiner une grosse bagarre avec des blessés… et même des morts !

Et merde, depuis que son père avait pris le contrôle, il ne rêvait que d’agrandir leur territoire, de construire des tours encore plus hautes, d’être plus puissant, de voler plus vite, plus haut.

Les daemons ont bien des défauts, mais ce qui les lie a toujours été le plaisir et la fête. Zal savait bien que la frontière entre le bien et le mal était poreuse chez son peuple, mais quand même, l’intérêt d’écraser tout le monde lui échappait quelque peu, ainsi qu’à son groupe d’amis. Mais bon, les anciens voulaient être les maîtres du monde ! Pas de problème, on suivait, mais là ! Ça commençait à dépasser les bornes.

Patience ! disait son meilleur ami. C’est toi qui succéderas à ton père. Tu feras comme tu voudras à ce moment-là. Et Zal, indolent, comme une grande majorité des daemons laissait faire.

Oh ! un mouvement à la limite de son champ de vision l’attira.

Est-ce encore la drôle de créature qu’il avait vue il y a quelques jours ? Elle lui avait souri comme à une vieille connaissance. Il est vrai qu’il en voyait souvent et qu’il savait d’où elles venaient, de ces drôles de portes, toutes floues. Il avait déjà essayé d’en parler à son père qui l‘avait traité de fou et s’était mis en colère. Il gardait donc ça pour lui. La créature souriante, il lui semblait qu’il l’avait déjà vue, mais cette fois elle était environnée d’un brouillard vert. C’était nouveau ça !

Mais cette fois-ci, ce n’était pas la créature. Il se fit un grand brouhaha dans le campement et une longue plateforme volante surmontée d’un drapeau blanc atterrit au milieu de la foule. Elle fut immédiatement entourée de daemons armés de lances et d’épées.

Zal s’approcha. Un grand elfe, accompagné d’un gnome bardé de fer et de quelques autres, en descendit avec un drôle d’instrument qui amplifiait la voix.

Peuple des daemons, nous avons forgé une alliance avec un autre peuple, celui des humains. Grâce à une fructueuse collaboration avec les gnomes, une nouvelle technologie a été mise au point.
Elle permettrait à tous les peuples de disposer d’une énergie propre, inépuisable et facile d’utilisation. Nous sommes prêts à la partager avec vous afin de vivre en bon terme tout en développant chacun de notre côté ses possibilités selon nos bons vouloir et nos valeurs respectives.
Je vous mets cependant en garde. Cette technologie peut aussi servir à construire des armes terribles.
Nous voulons vous offrir de former une table de négociation pour parvenir à un accord, reformer le royaume d’avant le grand schisme ….et préparer une paix durable.

Animée d’une fougue toute guerrière le père de Zal rétorqua immédiatement, soutenu par ses partisans : en aucun cas, même dans vos rêves, d’ailleurs vous bluffez. La reine Athenaa n’est même pas venue en personne.

Elle n’a pas envie de se faire zigouiller, se dit Zal, gardant son opinion pour lui.

Les membres de la garde rapprochée du Grand Daemon, menaçants, se rapprochèrent et une lance atteignit un des elfes qui s’écroula.

Vous l’aurez voulu dit Merlinor, d’un ton désolé alors que la plateforme s’élevait rapidement dans les airs.

L’humeur belliqueuse du père de Zal et de ses acolytes ne diminua pas dans les jours qui suivirent et toute la colonne des daemons s’ébranla. Le bruit des armes, les jappements et hurlements des cerbères et le bruissement des ailes en grand nombre étaient omniprésents.

Zal discutait le soir avec les jeunes de plus en plus inquiets de la tournure des évènements. La vieille garde se rengorgeait et s’enthousiasmait soutenue par des discours guerriers :

On nous a sous-estimés. Nous sommes les plus imposants, les plus forts, nous voulons construire d’immenses citée et les autres pourront nous servir alors que nous jouirons de ce que nous aurons créés.

Nous servir …? les traiter comme des cerbères alors ??? Oh là là, ça ne m’apparaît pas un gage de lendemains qui chantent. Et d’abord, où sont-ils nos ennemis ? On fait un bruit d’enfer et on a pas vu âmes qui vivent. Ils doivent bien savoir qu’on est tout près.

Un matin, alors que la troupe s’apprêtait à traverser une large rivière, un long sifflement se fit entendre. De tout là-haut, on vit descendre une boule métallique qui tomba dans l’eau. Il se fit alors un bruit énorme alors que l’eau se mettait à tournoyer. Une gigantesque explosion et une tornade d’eau pulvérisée, d’une chaleur dépassant l’entendement, emportèrent un grand nombre de daemons qui se disloquèrent dans les airs. Zal qui tirait de l’arrière n’en crut pas ses yeux.

Ce fut une débandade spectaculaire, tous refoulaient vers l’arrière, les yeux fous, terrorisés. Les survivants se regroupèrent plusieurs kilomètres plus loin alors qu’un immense panache de fumée blanche se déployait dans le ciel.

Ça discutait ferme sur le champ de bataille. Complètement désorganisé, on cherchait le père de Zal parmi les survivants. Les rumeurs étaient à l’effet qu’il était sur la ligne de front.

C’est à ce moment que Zal entendit qu’on l’interpellait tout bas. Dans un buisson se tenait le même être, un humain sans doute, qui lui avait souri et à ses côtés, une toute petite elfe.

-Eh! Eh! Zal !

-Comment vous connaissez mon nom ?

-Je suis une éclaireuse, dit la petite elfe, et je sais qui tu es.

-Je suis vraiment désolée, mais ton père est mort. On me le confirme à l’instant. Mais avant que tu sois nommé Grand daemon et qu’une délégation de mon peuple arrive, je voudrais que tu saches que nous n’avons vraiment pas envie de continuer à nous battre.

Alexandre poursuivit :

J’ai tenu à ce qu’on vienne te rencontrer immédiatement parce qu’on s’est déjà vu. Tu sais donc que les humains existent et viennent d’ailleurs. Me revoir te convaincra sans doute de la vérité et de la pertinence de ce qu’on va te présenter. Mon père peut vraiment vous fournir une technologie avancée qui vous facilitera la vie. Grâce à elle, il a élaboré, avec le soutien des gnomes, mais bien à contrecœur, l’arme qui vous a décimé. Elle aurait pu être 1000 fois plus puissante. Je t’assure qu’il vous laissera à tous sa technologie quand nous repartirons chez nous.

À ces mots, les larmes montèrent aux yeux d’Aliweln. Elle s’était attachée à Alexandre qui avait beaucoup mûri et grandi pendant son séjour. Elle lui saisit la main et ils échangèrent un long regard.

Zal demeurait muet alors que la rumeur de l’arrivée incessante d’une délégation venue négocier enflait.

Il croyait les deux jeunes qui avaient fait l’effort de se déplacer. Il savait que les humains existaient. Il n’avait jamais voulu de guerre. Mais que leur réservait cette technologie qui pouvait être aussi meurtrière ?

Quand on vint le chercher, il savait quelle serait son option et comment il la défendrait.