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Furieux, Hans Müller, le directeur de la Berliner Polizei, raccroche le téléphone. L’entretien qu’il a eu avec le ministre de la justice vient d’anéantir son rêve de devenir le futur chef de la police fédérale, la Bundespolizei. Et le ministre a été clair, il ne sera pas entraîné dans ce gouffre médiatique par lui et ces deux abrutis de policiers.

Les appels de journalistes et les demandes d’entrevue fusent de partout. Deux policiers machos, le propriétaire d’un bar mythique, deux superbes jumelles articulées et courageuses et un dossier bien documenté par une journaliste sérieuse : du vrai bonbon pour tous les médias. Ils questionneront son leadership, les directives en matière de gestion du harcèlement, l’avancement de l’enquête suite à la déposition d’Ariane Rosenthal, tout y passera. Et il aura beau répéter que l’attitude de ces deux policiers est inacceptable et en complet désaccord avec les valeurs prônées par la Berliner Polizei, rien n’y fera. Il le sait.

15 juillet, 9h00.

Il entre dans la salle où il a convoqué une rencontre avec les policiers de la section Mitte. Il veut tout savoir sur les circonstances de la déposition d’Ariane Rosenthal et sur le suivi qui en a découlé. Mais il saisit rapidement que rien n’avait été fait, Fuhrmann ni aucun membre du personnel du Berghain n’a été contacté, pas plus que l’autre jumelle.

Il congédie le chef de la section et les deux policiers sur le champ. Fou de rage, il demande à deux enquêteurs de se mettre sur le cas Fuhrmann immédiatement. Il veut une photo de lui, menottes aux poignets pour 10h30, heure à laquelle il a convoqué les médias.

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15 juillet, 10h30.

La salle est bondée et Mila Stein est aux premières loges.

Visiblement nerveux, Hans Müller se présente au micro après l’habituel briefing de l’attachée de presse et le texte qu’elle lui a remis, sans trop le regarder. Ils travaillent quand même ensemble depuis longtemps…

« Mesdames et messieurs, bonjour,

Merci de vous être déplacés en si grand nombre. Comme vous le savez, le sujet du harcèlement des femmes est au cœur des préoccupations de la Berliner Polizei depuis fort longtemps, mais force est d’admettre que le travail n’est pas terminé.

Au nom de la Berliner Polizei, je tiens à présenter mes excuses à Ariane Rosenthal. La façon dont sa déposition a été reçue par nos agents est tout à fait inacceptable, d’ailleurs les deux policiers impliqués ont été congédiés plus tôt ce matin et seront rencontrés par des membres de la police fédérale pour éviter tout biais possible dans l’enquête.

Merci à Mme Rosenthal et à Mme Stein qui est ici présente, d’avoir dénoncé ces pratiques machistes et archaïques. Leur courage et leur détermination fera certainement avancer notre société et l’avenir des femmes en général, dit-il non sans surprise de trouver ceci dans son texte.

De plus, je vous annonce ma- il n’en croyait pas ses yeux- démission comme directeur de la Berliner Polizei, effective dès maintenant. Il est clair pour moi et pour tous que j’ai échoué à effectuer les changements de mentalité qui s’imposaient. M. Helmut Schumacher, ministre de la justice, assumera mon poste dans l’intérim de mon remplacement, réussit-il difficilement à dire tellement son cœur palpitait.

Enfin, monsieur le ministre en parlera plus longuement dans quelques instants instants, nous annonçons aujourd’hui la création d’un comité consultatif sur le harcèlement fait aux femmes que Mila Stein a accepté de présider. Bravo Mme Stein.

Merci, je ne prendrai aucune question ».

Dès qu’il quitte la tribune, il décoche un coup de poing dans un mur, se casse un doigt et hurle de douleur en vociférant tous les sacres qu’il a appris lors d’un stage au Québec, il y a plus de 30 ans : « Ostie de Câlisse de Tabarnak ».

Helmut Schumacher se présente à l’estrade, salue les gens présents et les convoque pour le lendemain à la même heure. Il n’y aura pas de commentaires…

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Le 16 juillet, Josef défend sa thèse devant d’éminents médecins, psychologues et généticiens, en présence de tous les jumeaux ayant participé à l’étude, y compris Ariane et Justine, qui sont assises dans la première rangée. Ariane est fébrile. À sa connaissance, personne n’a jamais si bien saisi la gémellité que Josef, mais la connexion qu’il s’apprête à démontrer en laissera sûrement plusieurs perplexes.

« Mesdames et messieurs,

Premièrement, permettez-moi de remercier les vingt-six personnes qui ont bien voulu me donner de leur temps et parfois de leur âme pour m’aider à faire cette fascinante étude. Je suis touché et honoré de les avoir présentes sur scène avec moi. Un merci particulier à Ariane et Justine Rosenthal qui m’ont permis de mieux cerner cette symbiose émotionnelle et intuitive dont je tentais de percer le mystère.

Puis, après de nombreux graphiques et modèles, il termine sur ces mots :

Je crois maintenant plus que jamais, qu’il est quasi impossible de totalement saisir l’intensité et l’unicité de la connexion qui lie des jumeaux monozygotes, mais je m’acharnerai à essayer.

Merci ! »

Josef prend une gorgée de son verre d’eau dans lequel il reste quatre glaçons.

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Le 19 juillet, 100 000 personnes envahissent les rues de Berlin et réclament la fin du machisme et du harcèlement. La fin de la marche est devant la Porte de Brandebourg où un spectacle de clôture a été prévu. Celui-ci est précédé par une allocution de Mila Stein. La foule scande son nom : MILA ! MILA ! MILA !

« Merci à vous. Quel vent de fraîcheur de vous voir réunis ici, hommes, femmes et enfants pour supporter notre bataille à tous.

Je m’en voudrais de ne pas souligner la présence d’Ariane Rosenthal. Grâce à son courage, cette situation trop longtemps banalisée redevient une priorité. ...Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour dénoncer les pratiques juridiques douteuses, mais je souhaite surtout participer à créer une société où plus jamais les filles et les femmes n’auront à subir les paroles ou les gestes inappropriés de leurs patrons, collègues, maris, entraîneurs, amoureux, oncles, etc.

Dès la semaine prochaine, différents groupes de travail seront mis en place partout en Allemagne : programmes scolaires pour les garçons et les filles, formation policière, groupes de soutien, système pénal sont à l’agenda. Il faudra du temps et de l’énergie, mais avec le support de l’équipe qui m’entourera et avec vous qui avez cette cause à cœur, nous y parviendrons.

Merci. »

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ÉPILOGUE

5 ans plus tard

Josef et un partenaire généticien publient The twin connection, an enigma partly resolved by the genom MZ11.17 dans le Journal of Genetics and Genomics. Leurs travaux faits à l’université McGill de Montréal, où Josef est chercheur et professeur depuis maintenant trois ans, leur valent de nombreuses bourses de recherche et d’innombrables collaborations à travers le monde.

19h30.

Après sa journée au Centre d’aide aux femmes victimes de harcèlement, Ariane quitte l'endroit pour rejoindre Josef, avec qui elle a rendez-vous au restaurant le Serpent pour célébrer cet important accomplissement. Josef sirote un verre d’eau et est perdu dans ses pensées lorsque son téléphone sonne. C’est Justine, il est 13h30 à Berlin.

- Bonsoir Justine, que se passe-t-il?

- À toi de me le dire. Ariane est avec toi?

- Non, je l’attends au resto, on célèbre une de mes publications dans un important journal scientifique ce soir.

- Quelque chose lui est arrivé, j’en suis certaine. Elle a eu un accident.

- T’as essayé de l’appeler?

- Oui, ça ne répond pas. Josef, dis-moi que rien ne lui est arrivé.

- Attends-moi une seconde, j’ai un appel de la nannie.

Il prend l’appel et met Justine en attente.

- Oui, bonsoir, que se passe-t-il?

- Je ne sais pas, votre femme est là?

- Je l’attends d’une minute à l’autre, pourquoi?

- Les jumeaux ne cessent de pleurer et ils disent qu’il est arrivé un malheur à leur maman.

- J’appelle tout de suite au centre. La sœur d’Ariane, sa jumelle, a aussi cette forte intuition. Je n’aime pas ça du tout.

Justine est toujours au bout du fil.

- Salut Justine, merci d’avoir patienté. Non, la nannie n’avait pas de nouvelles, mais les jumeaux aussi semblent sentir quelque chose d’étrange. Du coup, je suis très inquiet. J’appelle au Centre et te tiens au courant.

- Centre d’aide aux femmes victimes de harcèlement, bonsoir.

- Bonsoir, je suis Josef, le mari d’Ariane. Elle devrait me rejoindre au resto à 20h, elle n’est pas arrivée et son portable ne répond pas.

- Oui, oui, je sais, elle avait bien hâte de célébrer avec vous. Elle est bien partie vers 19h30. Elle a peut-être oublié son téléphone et cherche un stationnement. Je suis certaine qu’elle sera là d’une minute à l’autre.

- C’est gentil, mais quand sa jumelle d’Allemagne et mes enfants jumeaux s’inquiètent en même temps, enfin je me comprends, il faut prendre ça au sérieux. Je vous laisse, j’ai un appel d’un numéro inconnu sur l’autre ligne.

- Josef Schreiber à l’appareil.

- Bonsoir, monsieur, vous êtes bien le conjoint d’Ariane Rosenthal ?

- Oui, c’est bien moi, dit-il en panique.

- Votre femme a eu un accident. Elle est hors de danger, ne vous inquiétez pas. Elle ne cesse de répéter qu’il faut rassurer Justine, Romy et Michäelle.

FIN